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      /  Chroniques du Temps   /  18 – Deux hommes et leurs montres

    Montres Mania

    Illustration Prune Cirelli

    18 – Deux hommes et leurs montres

    Textes : Laurent Cirelli
    Illustrations : Prune Cirelli

    Qu’est-ce qu’être un homme ?

    A en croire (et voir) nombre de mes contemporains la réponse se trouve d’abord (et parfois uniquement…) à leur poignet (pour d’autres ce sera à leurs pieds, pour d’autres encore dans les cylindres d’un moteur et pour d’autres enfin dans l’accumulation de tout ce qui précède voire plus encore…): comme si dorénavant l’objet devançait nécessairement la personnalité.

    « Dorénavant » ?! Il fut, oui, une époque où les garde-temps – pour traiter du sujet qui nous occupe principalement dans cette chronique – étaient réduits aux seconds rôles, ceux de simple faire-valoir, où l’homme se suffisait à lui-même et portait beau sans qu’il lui soit indispensable de porter telle ou telle marque, c’était un temps où Belmondo et Delon régnaient en maîtres absolus sur l’imaginaire masculin.  

    Il suffit pour s’en convaincre de revoir la plupart des films dans lesquels jouent ces deux immenses acteurs… de se remémorer leur parcours, l’évidence de leur séduction, la permanence de leur virilité.

    J’y pensais l’autre soir en regardant à la dérobée une vieille connaissance croisée par hasard à un « dîner en ville » et dont l’ego paraissait demeurer tout entier dans l’Aquanaute qu’il mettait en avant comme la (seule) preuve ultime de sa singularité, comme si tout commençait et finissait là… Je me disais qu’on était loin, bien loin ce soir-là du duel fascinant auquel se livrèrent le plus souvent à distance les deux acteurs, notamment par garde-temps interposés !

    A ma droite donc Jean-Paul BELMONDO séducteur et ô combien séduisant mais pas seulement, un savant mélange d’aisance presque désinvolte et de canaillerie assumée.

    Avec une disposition certaine pour les attributs masculins: belles voitures, jolies femmes et, pour ne rien gâcher, un goût particulier pour les garde-temps de caractère comme par exemple cette Rolex Submariner qu’il porte sur un bracelet manchette noir dans un film tourné en 1968 (à noter qu’il était plutôt rare, à l’époque, de porter son « Sub » sur un bracelet cuir !).

    A ma gauche Alain DELON, de l’instinct à revendre et un physique auquel il ne manque même pas la légère touche de fragilité: irrésistible ! Plaire est sa façon à lui de respirer, le souci de sa seule personne une manière d’être… tout le reste est accessoire et les objets ne semblent être là que pour le servir : ainsi sa Royal Oak Jumbo (qu’il porte dans « Parole de Flic », « Une Chance sur Deux » ou « Ne Réveillez pas un Flic qui Dort » notamment) vient seulement confirmer son charisme… pas (tenter de) le prouver (elle sera vendue aux enchères à un acheteur chinois pour… 68.750,00 €).

    Chacun d’eux, par sa seule façon d’être, a établi pour longtemps les codes de l’homme moderne : une même photogénie, deux garçons aux apparences presqu’antagonistes qui crèvent littéralement la pellicule … : c’est à celui qui imposera le plus durablement son style ! Ce fut là un âge d’or qui les vit affronter leur jeunesse et leur beauté sans jamais pouvoir se départager.

    Jean-Paul BELMONDO marche à l’instinct, à l’amitié et aux sensations fortes. Moins préoccupé de son apparence que de l’adaptation de celle-ci aux situations et aux rôles qu’il enchaîne : c’est ainsi qu’il porte dans trois films d’affilée sa propre Rolex Cosmograph Daytona ! Une montre qui fait tellement partie de son personnage dans « Peur sur la Ville » qu’elle figure à son poignet sur l’affiche du film ! On la retrouvera la même année dans « L’Incorrigible », ainsi que l’année suivante dans « L’Alpagueur » (elle sera finalement vendue également aux enchères pour la « modique » somme de… 165.000,00 € !).

    Il y aura d’autres modèles de la vénérable maison de Berne qui suivront fidèlement l’acteur dans ses films comme dans sa vie (notamment une Day-Date en or jaune dans « Le Guignolo »).

    Et – il en faut bien – quelques trahisons : une Breitling Chronomat or et acier dans « Itinéraire d’un Enfant Gâté », une Panerai dans une série télé…

    Alain DELON est lui un narcisse qui paraît plus préoccupé de son apparence et sa beauté indiscutable est toujours en mouvement, semble se suffire à elle-même et échapper à toute loi. Il ne se révèle donc jamais mieux que dans les costumes qu’il endosse pour des rôles qui sont aujourd’hui entrés dans la légende : l’inoubliable aristocrate garibaldiste dans « Le Guépard » ou le tueur à gages solitaire dans « Le Samouraï » (il y porte une Baume et Mercier) pour lequel il revêt le trench-coat et le Borsalino comme personne… Christian Dior (pour l’« Eau Sauvage ») et bien d’autres marques ne s’y tromperont pas qui verront en lui l’image idéale à laquelle de plus en plus d’hommes voudront s’identifier. Tank arrondie, Blancpain, Vacheron Constantin… la liste est longue des garde-temps qui finissent de « dire » Alain DELON… sans qu’il soit besoin d’en dire plus. 

    Et en dire plus, toujours plus… sur ce que l’on est, prétend être ou, surtout, voudrait être… c’est le rôle qui semble désormais dévolu le plus souvent aux garde-temps : le poignet précède et l’individualité suit ! Les marques l’ont bien compris qui dépensent des fortunes pour apparaître bien en vue au poignet des sportifs, des… « people »… (sic), des acteurs dans des « blockbusters » – on appelle cela le « placement de produit » – puis revendre à chacun d’entre nous son quart d’heure de célébrité… et c’est ainsi qu’aujourd’hui la montre fait le moine et que l’autre soir l’Aquanaute faisait l’homme…

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