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      /  Chroniques du Temps   /  11 – Marque ou marqueur ?

    Montres Mania

    Illustration Prune Cirelli

    11 – Marque ou marqueur ?

    Textes : Laurent Cirelli
    Illustrations : Prune Cirell
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    Ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière.

    Charles BAUDELAIRE

    Il y a quelque chose qui ne laisse pas de me « gêner» dans le devenir de l’horlogerie de luxe et cela, je crois, pourrait être défini en un seul mot : TROP. Trop d’enjeux économiques, trop de marché, trop de côtes, trop de postures et… d’impostures. Il me semble en effet qu’hier encore (ou bien était-ce déjà avant-hier ?) l’être comptait plus que le paraître, que l’on acquérait et portait telle ou telle montre, choisissait telle ou telle marque, non pas comme un « élément de langage », comme un « marqueur », mais comme la continuation de l’idée que l’on se faisait de soi…

    Et j’ai bien l’impression qu’aujourd’hui le temps est plutôt à l’étalage et l’heure à l’affichage… 

    Le marketing semble en effet avoir (définitivement ?) pris le pas sur la tradition, l’ego sur le goût… et c’est ainsi que les poignets cèdent au charme du premier venu… j’entends par là celui qui a la plus grosse… couverture médiatique (publicité et sponsoring), le plus grand stand à Bâle et les plus belles stars en guise de flag-ships ! 

    Pourtant, chacun des noms auxquels cette chronique s’adresse (Rolex, Patek, Jaeger, etc…) a une histoire fondée d’abord sur l’invention et l’innovation, s’inscrit dans une aventure humaine et scientifique ou sportive qui prima à n’en pas douter sur le « positionnement » ou la «suprématie » de la marque qui se dessinait alors : car, est-il nécessaire de le rappeler, Jaeger Lecoultre s’est appuyé sur la demande d’officiers britanniques – pratiquant le polo en Inde et souhaitant préserver leur garde-temps d’éventuels chocs – pour inventer la Reverso, Rolex ou Omega ont adossé leur tempérament visionnaire à celui d’hommes et de femmes dont la seule ambition était de repousser des limites et d’établir des records, quant à Patek son histoire est d’abord celle de la recherche jamais trahie de l’excellence et de la discrétion toute genevoise… 

    Mais ce sont ces mêmes marques qui aujourd’hui font l’objet (sont victimes ?) d’une « communication horlogère » (je n’ai pas inventé l’expression…) à outrance et dont l’âme finira bien par se perdre à force d’habiller des avant-bras qui ne s’attachent pas à une tradition mais cherchent seulement un faire-valoir…

    Ainsi, la question de l’achat voire de la collection paraît de moins en moins répondre à des critères personnels d’élégance et de moment (on ne porte pas le même garde-temps pendant la journée et à un dîner…), à la représentation que l’on a de soi donc… mais seulement à l’idée que l’on voudrait que l’on se fasse de nous : le regard de l’autre, bien plus que l’édification affutée et affirmée d’une personnalité, anime de plus en plus l’acheteur et le collectionneur.

    Et il y a un côté « cours après moi que je t’attrape » dans cette compétition effrénée de la célébrité et du « show off », un échange de mauvais procédé entre des acheteurs qui attendent tout – TROP – de la marque et plus grand chose de leur individualité… et des horlogers qui n’ont à mon avis rien d’autre que de l’argent à gagner à ce jeu-là. Ne s’agissait-il pas à l’origine, pour reprendre la si belle formule d’André BRETON, de couler leur nom dans « l’or du temps » ? 

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